À l'occasion d'une étude d'une maison dont les chambres à l'étage sont sous un toit plat non isolé et dont le propriétaire a placé à cet endroit un climatiseur, j'ai trouvé des résultats étonnants du côté de la surchauffe.
Ceci m'a rappelé qu'on avait déjà évoqué auprès du SPW, ce manque de considération sur l'importance de calculer correctement ce phénomène qui devient de plus en plus fréquent dans les maisons mal isolées.
De plus, faute de précisions dans les calculs des logiciels utilisés actuellement et depuis le début de la PEB, l'auditeur n'a pas les moyens de quantifier l'importance d'une surchauffe qu'il pourrait créer ou aggraver à cause des améliorations qu'il propose dans son rapport d'audit.
Peut-être se sentira-t-il relativement protégé par le fait qu'on lui demande d'amener le logement au label A de la certification (actuelle) ?
Mais que deviendra ce label si les occupants sont obligés d'installer un appareil de climatisation pour des surchauffes non maitrisées ?
Quelle serait la responsabilité d'un auditeur (une auditrice) qui provoquerait par ses conseils un climat intérieur estival invivable, nécessitant finalement une climatisation couteuse en investissement et en consommation (finale et primaire) ?
Est-ce faire oeuvre utile d'agir ainsi dans le cadre de la bataille de l'énergie (en Wallonie) ?
Je laisse ces questions à vos réflexions...
From: Ir. Architecte Meessen
Sent: Friday, August 4, 2023 10:22 AM
To: Jean-Yves Saliez (cabinet du minstre Henry) ; Benoit Fourez (DGO4) ; Carole Van Goethem (DGO4) ; eric.bierin@gov.wallonie.be
Cc: contact@peeb.be ; Ir. Architecte Meessen ; Olivier Biérin (Député wallon) ; Christophe Leroy (Le Vif) ; Emmanuel Morimont (RTBF) ; Roger Vanparys (Test-Achats) ; Spies Nicolas (C.C.W.) ; Olivier Hamal (SNPC)
Subject: 20230803 Remarque n° 94 : m'enfin... et la surchauffe ?
Bonjour à vous.
Pour éditer des remarques sur la nouvelle mouture des octrois de primes depuis le 01.07.2023, je vais attendre une stabilisation du logiciel PACE 4, qui a déjà subi 6 éditions successives depuis le 04.07.2023 jusqu'au 01.08.2023, si j'ai bien compté.
En attendant, la remarque n° 94 du 04.08.2023 revient sur un sujet qui avait déjà fait l'objet de remarques en 2013/2014 mais qui n'ont pas été suivies d'effet.
Ensuite, cela a été rappelé plusieurs fois, sans évolution connue.
Il s'agit du problème du calcul des surchauffes dans les logements existants (pour ne pas parler des bâtiments neufs).
C'est rare mais je tombe de temps en temps en audit, sur un logement où se trouve une installation de climatisation.
Depuis plusieurs années, je soulève régulièrement le problème de la surchauffe dans les logements existants, qui seront isolés par des opérations d'amélioration énergétique conseillées par des audits.
Il y a eu, par exemple et entre autres,
- la remarque n° 29 du 19.08.2013 et ses développements dans le rapport préliminaire d'expertise du 13.03.2014, pages 12 à 14 (en annexe),
- le § 4.3 L'inertie du bâtiment, dans mon rapport d'expertise du 15.08.2014, pages 13 à 14 (en annexe).
- le § sur "Inclure les problèmes de surchauffe", dans l'envoi du 09.09.2019 "Propositions d'amélioration du régime des primes pour les parois en PAE3 et autres considérations (étanchéité, ventilation, surchauffes)", pages 7 et 8 (en annexe).
Comme vous le savez, les améliorations conseillées dans le rapport d'audit se focalisent uniquement sur les consommations énergétiques de chauffage et d'eau chaude sanitaire.
Or à l'heure actuelle, il ne s'agit plus seulement de s'occuper des "passoires énergétiques", il faudrait aussi s'occuper de ces logements qui deviendraient des "bouilloires énergétiques", soit dans leur situation de base, soit notamment à cause des améliorations apportées, sur les conseils de l'auditeur.
Il est naïf de croire qu'il suffirait de s'occuper des logements en améliorant les consommations de chauffage pour régler automatiquement les problèmes de surchauffe.
Ce manque d'attention pour ces phénomènes, avant et après amélioration thermique, conduirait à terme à provoquer l'installation massive de systèmes de climatisation dont les consommations (électriques) s'ajouteraient à celles du chauffage et de la fabrication d'eau chaude sanitaire.
Avec l’évolution constatée du nombre de canicules au cours du temps qui passe, la situation devient de plus en plus critique.
Ce qui fait qu'un large chapitre des consommations énergétiques des bâtiments est complètement éludé.
L'auditeur n'a même pas à sa disposition des éléments de calcul qui lui permettraient de quantifier l'effet d'une surchauffe créée par ses propres conseils.
Dans la procédure actuelle de certification et d'audit, une consommation énergétique de refroidissement n'apparait que si un système de climatisation (par une machine frigorifique) est présent lors de la visite de l'auditeur (ou du certificateur).
Puisque les calculs PEB sont basés sur une méthode obsolète (une sorte de dinosaure thermodynamique quasi-statique en moyenne mensuelle, datant des années '70 et '80 du siècle passé, au temps où les ordinateurs mettaient des heures à faire un calcul un peu complexe, sans parler de la météo d'époque à UCCLE, en moyenne trentenaire de 1950 à 1980, qui a toujours cours pour la PEB et la certification en Wallonie...), le traitement des consommations énergétiques de climatisation apparaissant dans les fichiers est plutôt surprenant.
Déjà que la méthode de calcul du chauffage et de la consommation d'eau chaude sanitaire des logements est notoirement foireuse (je vous ai déjà dit pourquoi depuis très longtemps et de nombreuses fois), on n'a pas fait de progrès dans la clarté des résultats de leurs consommations théoriques conventionnelles pour le chauffage et l'eau chaude, qui sont largement surestimées.
Pour ma part, je n'ai jamais parlé de les comparer avec des consommations "réelles", mais cela permet aux supporters de cette méthode de calcul dépassée, d'évoquer abusivement l'influence des occupants, alors que ça n'a rien à voir, puisqu'on examine des consommations théoriques conventionnelles.
Mais depuis le temps que j'en parle, rien n'a évolué dans le bon sens et c'est ce qui permet à Simon HABRAN de m'écrire le 07.03.2023, que "c'est le meilleur outil pour comparer la performance énergétique entre deux bâtiments" (en certification PEB).
Quand on connait les tréfonds de la méthode, c'est un peu pécher par optimisme, c'est le moins que l'on puisse dire.
Il suffit de (re)lire les chapitres de mon rapport d'expertise du 15.08.2014 ("Comparaison n'est pas raison") pour être éclairé sur le sujet (en annexe).
Surtout que, depuis le 01.11.2022, on ne compare plus 2 bâtiments entre eux mais le gouvernement impose des coercitions sur les loyers, basées sur le seul résultat individuel de chaque logement.
Et d’après les intentions que j’ai vues apparaitre lors de réunions de l’ACER, le gouvernement aurait l’intention d’utiliser aussi le résultat de ces certificats PEB dans un proche avenir, pour obliger les propriétaires à les amener à un label défini, avant toute vente ou location, amendes éventuelles à la clé.
Alors autant qu'il soit plausible, au moins…
En audit, une fois qu'un système de climatisation par refroidissement actif est introduit en situation initiale, il n'y a pas moyen de l'enlever, même en passant par une situation initiale modifiée !
Et en tout cas, pas en travaillant dans la situation après amélioration.
Toujours est-il que cela n'apparaitra pas dans les conseils d'amélioration du rapport d'audit.
Quant aux protections solaires des châssis (volets ou autres) à placer, on ne peut y accéder que par l'intermédiaire d’une situation initiale modifiée.
Mais qu'elles soient ou non renseignées dans la situation initiale, on ne peut pas y toucher dans la situation après amélioration.
En conséquence, cela n'apparaitra pas non plus dans les conseils d'amélioration pour limiter la surchauffe.
Enfin, on apprend à la seule page 116 "Refroidissement" de la luxueuse brochure explicative qui n'est même pas téléchargeable, que la consommation du refroidissement est basée sur un forfait établi par m³ de volume protégé.
Je sais que c'est un raccourci saisissant par rapport à la méthode utilisée mais on peut difficilement faire moins précis que ça.
N'empêche que les derniers résultats d'un refroidissement actif qui me sont tombés sous les yeux ont de quoi surprendre.
Ce n'est qu'un exemple mais il peut être appuyé par des autres, il suffit d'ailleurs de faire l'exercice avec n'importe quel bâtiment et de procéder à l'analyse critique des résultats.
Il s'agit ici d'un logement sous toit plat, dont toutes les fenêtres ont des volets.
L'étage avec 2 chambres et une salle de bains, a un système de climatisation sous une toiture plate légère de + 50 m² qui n'est pas isolée.
Cela fait + 24 % du volume protégé.
Dans la situation améliorée, toutes les parois de l'enveloppe sont bien isolées et notamment ce toit avec une résistance complémentaire de 6,36 m²K/W, largement au-dessus de ce qui est exigé actuellement pour obtenir une prime.
Pour rappel, la méthode de calcul du refroidissement en certification et en audit, considère tous les gains du bâtiment (sans les effets de l’ensoleillement sur les parois opaques), qui sont multipliés par la fraction refroidie du volume total.
Voici les consommations finales calculées par PACE dans ce cas :
1. En situation initiale :
les besoins de refroidissement sont : 288,77 kWh,
les consommations finales de refroidissement sont : 128,34 kWh, ce qui indique un EER moyen de 2,25 pour le système de climatisation.
Avec des besoins aussi faibles de gains calorifiques, on se demande vraiment pourquoi le propriétaire aurait cru nécessaire d'installer un système couteux pour rendre ces pièces vivables sous leur toiture plate !
2. En situation après amélioration :
ça se corse,
les besoins de refroidissement sont calculés à 512,45 kWh,
les consommations finales sont : 227,75 kWh (même EER).
Soit une augmentation de la consommation de rafraichissement de 77,5 % après l'amélioration de l'ensemble du bâtiment, alors que le volume refroidi n'a pas changé, ni les baies, ni les volets, etc… et que le bâtiment a été très bien isolé !
3. Et si on enlève l'isolation thermique du toit plat de l'étage ?
Stupeur !
Les besoins de refroidissement diminuent à 385,64 kWh.
Le logiciel (c’est-à-dire ceux qui l’on fait et ceux qui l’ont validé) conseillerait donc de ne pas isoler ce toit pour diminuer les consommations de refroidissement…
Voilà un fameux résultat qui devrait rendre circonspect un auditeur un peu attentif à propos de ceux qui se trouvent dans l'audit fourni à son client (et dont il n'aurait aucune responsabilité ?).
Tout cela n'est évidemment pas crédible…
Pour comparaison, PACE estime les apports solaires annuels à 7.993,27 kWh (seulement à travers les baies, selon la méthode PEB).
Le fait de ne pas tenir compte d'un passage de chaleur dû à l'ensoleillement à travers des parois quasiment sans inertie, comme cette toiture légère, est une des causes de la surestimation chronique des consommations conventionnelles théoriques de chauffage avec la méthode PEB utilisée depuis 2010.
Mais le fait de négliger complètement les passages de chaleur dus au soleil à travers ce type de paroi conduit aussi à sous-estimer largement les besoins en refroidissement des espaces concernés.
À l'occasion de ma mission d'expertise de 2013/2014 demandée par la DGO4, j'avais tenté de faire comprendre qu'une des raisons de la surestimation des consommations théoriques conventionnelles de chauffage, était de ne pas tenir compte des apports solaires autres que ceux qui passent par des baies translucides.
C'est l'objet notamment de ma remarque n° 29 du 19.08.2013 (entre autres remarques).
Ce mail est en annexe.
Ainsi que les développements de la remarque n° 29 et ses paragraphes, qui ont été faits dans le rapport préliminaire du 13.03.2014 (déjà en annexe), suite aux réponses de Nicolas HEIJMANS (Buildwise, à l'époque CSTC).
En conclusion :
La méthode de calcul PEB a atteint ses limites depuis longtemps et provoque des dérives problématiques.
Il faudrait enfin bien le comprendre car les conséquences sont cruciales pour le but recherché auprès des Wallons.
Le ministre qui, le 26.05.2023, a parlé de son rêve de voir tous les logements au label A (décarboné) en moyenne pour 2050, devrait se réveiller, s’il était conscient des dérives des calculs PEB depuis 13 ans maintenant.
Mais peut-être qu'il lira ce mail en personne, si on le lui transmet (puisqu’il n’y a pas moyen de le lui envoyer personnellement) ?
L'espoir n'est pas perdu.
Pourtant, vous avez reçu les nombreuses remarques que j'ai envoyées successivement et parfois de manière récurrente, sans que rien de fondamental ne bouge.
C'est désolant d'en être là après 13 ans de certification et 17 ans d'audits, pour la Wallonie et pour les Wallons.
Comme d'habitude, je n'ai pas pu tout dire dans ce mail mais je reste à votre disposition pour développer avec vous toutes les discussions qu'il faudra, en plus de celles qui ont déjà eu lieu et des nombreux documents déposés.
Recevez mes salutations,
A. MEESSEN,
Ingénieur Architecte Expert,
Licencié en Physique du Bâtiment,
Vice-président de l'asbl PEEB.