Lorsque l'on veut isoler un pignon mitoyen par l'extérieur, au-dessus de la toiture du voisin, y a-t-il une règlementation ou une loi qui encadre ce que l'on peut/ne peut pas faire ? Je me souviens que lorsque j'étais aux études, notre prof de droit nous avait dit qu'en principe, un voisin ne peut pas s'opposer à ce qu'un propriétaire protège sa partie de mitoyen, même si par définition on ajoutait une surépaisseur au mur mitoyen - mais il s'agissait à l'époque essentiellement du cas d'un bardage contre la pluie...
- y a-t-il une base légale à ce principe ? ... ou est-ce juste de la jurisprudence ?...
- le principe peut-il être étendu à l'isolation (et pas seulement à la protection contre l'humidité), avec pour conséquence une surépaisseur plus importante ?
Merci pour vos réponses ! 😀
Yvain, c’est un peu la bouteille à encre de l’isolation en ville !
En principe, le mur qui dépasse l’héberge du voisin n’est pas mitoyen mais appartient exclusivement à son propriétaire. Le Code civil autorise la construction “en mitoyenneté”, c’est-à-dire de placer un mur “mitoyen” à cheval sur la limite mitoyenne. Ce qui fait que le mur surplombant est sur la propriété voisine pour la moitié de son épaisseur. Il est évident qu’on ne va pas continuer un mur mitoyen en plaçant la surélévation avec sa face extérieure le long de la limite... De son côté, le voisin a le droit de se servir de la partie surhaussée pour surélever son bâtiment, en payant le prix de la mitoyenneté de la surface occupée de mur. C’est surtout de là que provient le problème quand il y a un revêtement en surépaisseur du mur d’élévation. Cette surépaisseur est au-dessus de la propriété voisine et elle n’est pas ”structurelle”. Pour pouvoir placer cette surépaisseur, il faut avoir l’accord du voisin pour empiéter sur son terrain au-delà de l'épaisseur du mur de structure. Mais l’enlèvement de cette surépaisseur à cause d’un exhaussement doit rester à la charge de celui qui a isolé. Ceci peut se régler par une convention enregistrée, car les propriétaires peuvent changer au cours du temps et les accords primitifs sans enregistrement ne seront plus valables. Certains problèmes doivent cependant être envisagés dans la négociation : - la confection de l’isolation contre le mur peut nécessiter des travaux d’échafaudage par-dessus la toiture voisine. Il faudrait décrire la façon de procéder et exiger un constat d’état des lieux préalable, puis son récolement après les travaux. - la récolte des eaux de ce pignon, surtout si c’est un revêtement imperméable, se fera par le réseau d’égout du voisin, sauf s’il y a moyen de placer une gouttière de pied qui pourrait être raccordée au réseau d'égout de celui qui isole. Dans le cas où la récolte se fait par le voisin, il faut s’assurer que le débit supplémentaire ne pourra pas saturer le réseau, ou même déjà la ou les gouttières. Une surface verticale compte pour la moitié dans le calcul des débits d’évacuation. Mais ça peut être plus, si elle a un revêtement imperméable et qu’elle est orientée OSO/O.
Il y a aussi le problème du curage des corniches, crapaudines, ou tuyaux de descente afin qu'ils ne se bouchent pas au pied du revêtement du pignon isolé recouvert d'un bardage imperméable. Plus délicate, c’est l’isolation d’un mur séparatif au niveau du rez-de-chaussée du voisin. Surtout si c’est une cour car on lui supprime une partie utilisable de sa surface. Isoler jusqu’à ce niveau est problématique. Si c’est un jardin, c’est peut-être moins délicat mais il faut toujours prévoir la récolte de pied pour ne pas inonder les bégonias du voisin 😣. Dans le cas d’un revêtement qui descend jusqu’au sol du rez du voisin (où jusqu’au niveau de ses terrasses), on doit se préoccuper de la solidité du revêtement de l’isolant car il peut y avoir des dégradations causées par des actions du voisin (par accident, bien sûr...) dont les conséquences n’apparaitront pas tout de suite (un enfant qui joue au ballon contre un mur qu'il croit solide...).
Pour éviter de devoir supporter des dégâts au revêtement accessible, même par accident, le voisin pourrait demander qu’il soit suffisamment solide, à l’instar du mur qui existait avant qu’on ne le recouvre. Dans ce cas, il faudrait passer à des recouvrements plus costaud que le crépi ou les ardoises, comme le Trespa, par exemple (dans une certaine limite quand-même, pas pour jouer au foot contre le mur).
Il serait aussi normal que le voisin ait son mot à dire sur l'aspect de ce qu'il va avoir sous les yeux pendant des années (couleur, texture, matériaux)... Restent donc les problèmes d’entretien et de “surveillance” du revêtement et de la récolte des eaux de pluie puisqu’on n’a généralement pas accès à ce côté du mur. Dans l’accord écrit et enregistré, on devrait prévoir une fréquence de contrôle et de surveillance qui permettrait de pallier rapidement les éventuels problèmes apparaissant au revêtement ou aux récoltes de pied. Ceci demande nécessairement de devoir entrer sur la parcelle voisine, en ayant l’accord préalable du voisin. Mais si c’est écrit dans une convention, il ne pourra pas s’y opposer. En conclusion, il s’agit de s’entendre préalablement avec son voisin pour une opération de ce genre et de bien cerner tous les problèmes dans une convention enregistrée. La plupart du temps, une isolation extérieure sera difficile à faire accepter au rez-de-chaussée car à cet endroit, le mur est mitoyen sur une hauteur de clôture qui varie selon la situation (Code civil, article 663) ou les règlements d’urbanisme locaux. Il faudrait donc isoler par l’intérieur, en prenant toutes les précautions PEB pour une opération de ce genre.
Dans ce cas, vous savez qui faut faire une chicane avec les isolants, celui de l'intérieur au rez (qui monterait jusqu'au plafond) et celui de l'extérieur qui commence plus haut que le niveau du rez.
Ceci pour que le mur en briques pris en sandwich entre les 2 isolants sur une certaine hauteur, ne puisse pas faire un transfert thermique qui amènerait des problèmes de condensation à l'intérieur au droit du plafond du rez (ou même pour les appuis de la charpente du plancher du 1er étage).
Le principe est le même que pour le cas de la 3e règle de la méthode des nœuds constructifs conformes (chemin de moindre résistance).
Dans le cas où on ne pourrait pas faire cette superposition d'isolants de part et d'autre du mur, il faudrait prendre d'autres dispositions à étudier. Voilà un premier tour de la question.
Je passe le relai pour des compléments éventuels.