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"La rénovation des bâtiments, une forte ambition wallonne face au changement climatique !"


C'est ainsi que le ministre Philippe Henry titre son communiqué de presse de ce 13/11/2020.



Nous, professionnels des études énergétiques des bâtiments, partageons bien évidemment cette ambition. Mais dès lors que nous soulevons des problèmes de fonds et de forme, des problèmes qui ralentissent, complexifient ou dénaturent les processus de rénovation, dès lors que ces problèmes nombreux ont une incidence sur les Maîtres d'Ouvrages, nos clients, et sur leurs choix de rénovation, dès lors que ni l'administration ni le ministre de tutelle ne répondent à nos sollicitations, il est pour nous assez peu compréhensible de se targuer d'avoir de l'ambition et de vouloir augmenter de manière radicale le rythme de rénovation sans qu'à aucun moment nous, professionnels ds études énergétiques des bâtiments en première ligne de la rénovation énergétique et environnementale des constructions, ne soyons ni entendus ni au minimum écoutés.

Nous lisons par exemple dans le communiqué du ministre Henry que l'objectif pour le parc immobilier résidentiel, c'est le "label A décarboné". Les règlementations actuelles ne définissent pas ce qu'est ce "label A décarboné"; elles définissent d'une part ce qu'est un label A et d'autre part ce qu'est un bâtiment "QZEN" (Quasi Zéro ENergie). Le bâtiment résidentiel qui a un label (énergétique) A est un bâtiment neuf ou existant dont la consommation spécifique en énergie primaire est inférieure ou égale à 85kWh/m²a. Un bâtiment résidentiel QZEN est un bâtiment dont le label est A. Rappelons - sans entrer dans des considérations trop techniques - que l'énergie primaire consommée par un bâtiment résidentiel peut être définie comme la quantité d'énergie prélevée à la planète pour répondre aux besoins de chauffage, de climatisation, d'eau chaude sanitaire et connexes du logement. Et notons au passage que cette fameuse consommation spécifique sur base de laquelle les bâtiments sont labellisés ne prends pas en compte tout ; les consommations d'électricité domestique (éclairage, électroménagers, informatique, recharges de batteries diverses en ce compris les véhicules, etc) ne sont pas prises en compte.


Dans des bâtiments au label A ou QZEN, il y a des consommations. Quant à dire que ces consommations sont "décarbonées", c'est un peu facile à dire, et loin d'être évident à mettre en pratique. La consommation spécifique calculée est déjà une consommation résiduaire, dans le sens où a déjà été décompté de la consommation totale du bâtiment toutes les autoproductions d'énergie (panneaux solaires photovoltaïques et thermiques essentiellement). Ces autoproductions sont effectivement décarbonées. Ce qui reste une fois ces autoproductions décomptées, ce qui reste donc dans cette consommation résiduaire qui peut être (inférieure ou) égale à 85kWh/m²a, ce sont des consommations d'énergie fossile (gaz, mazout), d'énergie électrique (qui dépend du mix de production de l'électricité) et d'énergie issue de la biomasse (bois, pellets, etc). Par définition, aucun de ces vecteurs énergétiques n'est décarboné à 100%. En conclusion, le label A ne peut être exempt de rejets de CO2 que dans la mesure où le logement a une consommation spécifique inférieure ou égale à 0kWh/m²a.


Et encore... Nous avons vu plus haut que la labellisation se passait de certaines consommations. Il faut alors obtenir une valeur de consommation spécifique largement inférieure à zéro pour commencer à parler de décarbonatation du logement.


Et encore... Une habitation dont le producteur de chaleur et/ou d'eau chaude sanitaire brûle un combustible (mazout, gaz, bois, charbon, biomasse,...) rejette du CO2. Et on aura beau couvrir l'habitation et le jardin de panneaux solaires, la quantité de CO2 émise ne changera pas, elle sera juste compensée. Et pas forcément au même ni au bon moment.


Et encore... C'est sans parler des énergies grises, du recyclage et de la production circulaire. Le label A soi-disant décarboné ne tient pas du tout compte de ces aspects de la performance énergétique et environnementale des constructions. Comme il ne tient pas compte de facteurs d'usure ou de détérioration avec le temps des performances initiales. Il s'agit juste d'une labellisation du bâtiment "à neuf", en phase d'utilisation.


Sans mauvais jeu de mot, ce concept de "label A décarboné" ressemble à notre sens plus à de l'enfumage - c'est le cas de le dire ! - qu'à une réalité physique et un objectif matériellement (et financièrement !) atteignable par les propriétaires de logements existants ou à construire en Wallonie, qui ont déjà les pires difficultés à atteindre un objectif de label A sans parler de décarbonatation.


Donc oui. Il faut améliorer le parc résidentiel existant. Et construire des bâtiments performants. Et oui. Il y a urgence. Mais nous ne pouvons faire l'impasse sur une évaluation transparente des objectifs, méthodes et procédures mises en place en Wallonie. A quoi sert de se donner des objectifs, aussi ambitieux soient-ils, s'ils sont basés sur des concepts ou des résultats dont les liens avec la réalité sont tronqués ?


C'est un vaste chantier. PEEB asbl entend mettre sa pierre à l'édifice.


Nos membres font tous les jours l'expérience pratique de la complexité de la construction et de la rénovation énergétiquement et environnementalement performante. Nous ne demandons qu'à partager ce réservoir de connaissance et d'expérience afin de mettre de l'huile dans les rouages des objectifs 2030 et 2050. Encore faudrait-il que l'on réponde à nos légitimes sollicitations...


A bons entendeurs (et lecteurs).



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